Mourir est inéluctable. Etre « euthanasié » de plein droit ne doit pas l’être.

Une chance que l’euthanasie (la bonne mort) ne soit pas, dans l’immédiat du moins, en passe de devenir légale en France.  Il n’y aurait rien de plus terrible, à terme, pour notre humanité.

Mourir dans la dignité, comme le souhaite l’Association du même nom, est la préoccupation de chacun. Ce mouvement fut à l’origine, et de ce point de vue, une tentative pour résoudre la pesante question de notre longévité, des accidents de la vie, et surtout de tous les maux qui l’accompagnent ; mais cela devient aussi, fort malheureusement, un encouragement au déni du sens inexorable de la vie, qui est d’abord de VIVRE, ce à quoi s’emploient, souvent fort difficilement, la plupart des êtres humains qui luttent (*) pour elle.

Abréger la souffrance, nous dit-on. Mais il semble pourtant que la science, la médecine et notre législation elle-même en donnent le moyen.

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source : wikicommons

Les cas récents et surmédiatisés de malades incurables réclamant un suicide assisté, les procès liés, depuis des décennies déjà, à ces affaires toujours tragiques qui, les uns et les autres, en appelent à nos émotions rendent aujourd’hui le débat malsain. Cette dictature de l’émotion , pour emprunter à Patrick Verspieren, s.j. et à son excellent article (Etudes, sept 2008, pp.149-152) ne mène plus qu’à une regression complète de tout principe d’humanité, (Jean-Claude Guillebaud), qui repose sur les principes les plus élémentaires de la Morale.

S’il est impensable pour un catholique (mais pour d’autres croyants aussi) d’imaginer donner la mort, fût-elle douce, les libres-penseurs peuvent néanmoins concevoir les dérives qu’une telle législation pourrait induire : la suppression progressive (en douceur) de vies perçues comme pesantes, voire inutiles, dans le champ desquelles s’agglutineraient les trop vieux, les trop malades, les trop déviants, les trop… différents. Cela rappelle des souvenirs plus que fâcheux.….

Dino Buzzati donnait déjà un  aperçu éminemment caustique du sort des premiers dans sa « Chasse aux vieux » (Le K et autres nouvelles, Laffont, 1967) ; caustique, donc, et d’autant plus réjouissant que la morale y reprend ses droits : le jour où le chasseur, devenu vieux, est chassé à son tour. Et cela, c’est inéluctable !

* le terme de recherche « lutte pour la vie » génére des millions d’occurrences francophones sur Google !

Cette vieillesse qu’on nous annonce si longue: espoir ou juteux marché ?

Se dire aujourd’hui, à cinquante ans, qu’un demi siècle est encore devant, cela peut laisser songeur. C’est pourtant devenu affreusement banal. Enfin, pour les centenaires d’aujourd’hui, nés au siècle dernier. Ils sont plus de 20.000 cette année, contre 100 en 1900. On en prévoit 4 fois plus en 2050, c’est à dire bientôt.

C’est là un des grands paradoxes de notre temps, où tout est mis en oeuvre pour que nos vies soient les plus longues possibles, avec infiniment de précaution, mais où ces mêmes vies sont décrétées presque inutiles avant même d’avoir atteint 60 ans.

Oh, le Législateur fait bien des efforts pour faire croire aux citoyens que nous sommes qu’il faudra travailler plus longtemps, que l’expérience n’est pas sans valeur et que les têtes chenues sont assezDanielle Darrieux à 89 ans dans le film d'Anne Fontaine (2006) bien faites encore pour éclairer la lanterne de leur jeunes successeurs. Mais qui le croit ?

La tentative d’un marchand de savon pour imposer à nos abribus l’image de beautés décaties ou de femmes ordinaires a fait long feu : cela n’était pas vendeur. La banalité et la vieillesse ne sont pas acceptables par le « marché ». Dommage, car plus on veillit, plus le savon s’impose pour rester « frais » !

Il n’y a guère que les « vieilles dames anglaises » qui aient eu grâce à nos yeux : le teint rose et poudré, l’oeil bleu porcelaine, une senteur de lavande. Est-ce bien encore le cas, d’ailleurs, hormis celui de Sa très gracieuse Majesté ? L’Angleterre n’est plus, elle non plus, ce qu’elle était.

Alors, il reste à ceux qui vivent d’une apparence à essayer de la garder : mais le résultat escompté est le plus souvent affligeant. La beauté de Mme Deneuve et de tant d’autres femmes, sublimes ou non, n’a pas résisté aux bistouris réparateurs : rien ne peut réparer ce que le temps a détruit. Ces visages tendus, « botoxés », cette illusion jugée flatteuse n’est que désatre pour ceux qui la vivent : ils savent, dans leur intimité, ce qu’est leur réalité. La seule force de l’âge est de tenter de l’assumer. Et si possible avec gaité.

Les « Huit femmes » que François Ozon avait mis en scène représentaient tous les âges de la vie d’une (jolie) femme, de ses prémisses à son achèvement : toutes les transitions sont difficiles. Parvenu au faîte (qu’on y aspire ou pas), il faut bien se résoudre à descendre. Les visages martyrisés par la chirurgie ne se promettent pas de beaux jours. L’égérie de feu Saint-Laurent n’aura jamais plus au même âge la fraîcheur et la pétillance de Danielle Darrieux, demeurées intactes; il est vrai aussi qu’elle n’a jamais eu son talent.

J’ignore pour ma part où se trouve la grâce d’avoir à vivre si longtemps, même si cela ne concerne au fond que très peu de monde : l’espérance de vie moyenne ne dépasse pas, aujourd’hui encore, 85 ans. Du moins est-ce un facteur de prospérité pour certains marchés : celui des cosmétiques (voir lien INSEE) est en constante progression, comme le devient celui de l’aide à la personne. Encore faudra-t-il trouver des volontaires…..de plus de 60 ans ?