Soirées télé : espionnage, philosophes et mauvais sujets

J’ai toujours adoré la science-fiction, cette échappée de l’imaginaire vers des horizons inconnus qui fatalement ne vont pas le demeurer. Et pour cause : il semble a posteriori presque toujours évident que ce qui germe un jour dans l’esprit de l’homme (femmes incluses) finira tôt ou tard par être réalisé. Y compris le pire, d’ailleurs, comme l’Histoire nous l’a démontré.

sat2Peu de temps avant que n’éclate le fameux « scandale » des écoutes de la NSA, une série américaine avait déversé ses images sur notre ex première chaîne nationale, spécialiste du genre, je veux parler de Person of interest. S’il s’agit là d’une nième série américaine, elle n’en demeure pas moins de qualité, et complètement en phase avec son temps, qui n’est plus  seulement celui des Experts, mais bien celui de la surveillance généralisée des « mauvais sujets« . On y suit les destins croisés, si l’on peut dire,  du créateur d’une machine et de ceux qui la convoitent. Une machine qui, à l’instar de celles de la NSA, du MI6 ou de toutes les Intelligences in ou hors ligne épient à tous vents nos conversations, nos images, nos vies. (Sauf bien sûr si  l’on ne possède ou n’utilise ni carte de crédit, ni ordinateur, ni téléphone portable et que l’on vit de préférence aux confins de la Lozère ou au fin fond du Montana….)

Mauvais sujet, c’est  sans doute ainsi qu’a été perçu  Alain Finkielkraut,   jeté dans l’arène d’un de ces plateaux-télé où se construit l’opinion et où son parler vrai aura dérangé ceux qui ne pensent pas de même, à moins d’ailleurs qu’ils ne pensent pas du tout.

Arte proposait  heureusement  au même moment, avec Secret State, un portrait de PM anglais manipulé lui aussi par ses propres services d’espionnage, du moins ceux de son gouvernement et qui, non sans parenté avec le Mr Smith de Frank Capra, parvient dans une magnifique défense et illustration de la Démocratie,  à en faire triompher le sens avec le seul moyen dont il dispose : le VOTE. Au moins pour un temps. Car les temps qui courent ne sont jamais très gais pour ceux qui n’ont pas voté… du bon côté !

 

Ce n’est pas la vidéo-surveillance, qui est liberticide, mais la conduite des hommes eux-mêmes

No comment
No comment

Si l’on doit en arriver là, ce qui peut sembler dommage, ce ne sera qu’une des conséquences logiques et raisonnables d’un triste constat :  dans notre monde sans limite, tout peut arriver, même le pire (qui  pourtant n’est jamais certain).

Le vieux poncife, redoutable, suivant lequel « la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres » n’ayant plus cours et depuis fort longtemps, on ne peut s’étonner qu’une telle mesure, qui fait par ailleurs ses preuves,  soit à l’ordre du jour. A défaut de de cette autorité qui l’aurait, peut-être, prévenu, voire empêché, aurons-nous du moins de ce délit récurrent qui empoisonne la vie de tant de citadins : l’insulte, la bousculade, voire l’agression, la preuve qui permettra de le sanctionner, de le décourager peut-être et in fine de l’éviter.

Je m’étonne que, dans ce monde  orwelien qui est peu ou prou devenu le nôtre,  l’on puisse encore s’indigner devant un procédé qui n’est qu’un parmi tous ceux qui depuis longtemps nous tracent : téléphones portables, distributeurs automatiques, caisses enregistreuses, ordinateurs, réseaux sociaux, décodeurs TV même, sans compter les nombreux fichiers dans lesquels nous nous sommes inscrits nous-mêmes et où tout de nous, déjà, est connu. C’est encore un combat d’arrière garde, une salve de désespoir tirée par des vaincus.

Le vrai combat serait ailleurs, dans une limitation de l’égo qui laisse rappeler à chacun que : non, il n’est pas seul. Il y a aussi les autres. Il faut veiller au moins à en tenir compte. Mais face à l’ampleur du désastre, il faudra veiller longtemps.