A peine remise du spectacle des « Etreintes brisées » d’Almodovar, remarquable enchevêtrement de passions humaines et castillanes, je tombe par hasard, comme c’est souvent le cas, sur un livre dont le titre, magique, m’invite à la lecture. Sans doute vais-je apparaître bien naïve aux yeux des hispanistes, et peu « actuelle » aux yeux des autres, mais la culture ibérique m’est, je l’avoue, presque étrangère : je n’en connais que les grandes lignes. Quant à la nouveauté, elle n’a ici aucun sens : les bons livres n’ont pas d’âge. Et celui de Carlos-Ruiz Zafon (2001) pourra se lire encore longtemps.
Cette « Ombre du Vent » plonge le lecteur dès les premières lignes dans ce qu’il convient d’appeler un émoi haletant et une insatiable curiosité : il ne s’agit ici que de livres oubliés, de passions, littéraires et humaines et du fil ténu qui sépare et relie le réel de l’imaginaire autour d’une même histoire, en progrès, que renouvellent chaque fois de nouveaux éclairages. Sans doute n’y a-t-il là rien d’exceptionnel, – l’auteur, plein d’un humour sagace, n’hésite pas à évoquer dans ses pages Hector Malot !-(même si l’on pense à Kurosawa) , et l’humour qui fait une part inhérente du livre, comme Barcelone elle-même, certains personnages mythiques de la littérature hispanique, la fluidité du style – et, il faut le souligner, la remarquable traduction de François Maspéro en font, de mon modeste point de vue, un ouvrage à lire, à faire lire et à conserver.
Certains n’ont pas hésité à dire que Carlos-Luis Zafon avait reçu le Prix Planeta, par confusion sans doute avec son éditeur (Planeta). Je me réjouis en tous cas d’apprendre que ce jeune auteur prolixe a rencontré avec ce livre, qui n’est pas le dernier sans doute de ses livres pour adultes, (il a surtout écrit pour la jeunesse) un succès considérable, bien avant celui emporté – post mortem – par Stieg Larson dont j’ignore s’il n’est pas, lui, finalement mort usé d’avoir dénoncé le vice et l’horreur qu’il voyait partout.
Certains tourbillons sont plus gratifiants que d’autres, et quitte à briser là quelques heures ou encore quelques jours, voilà deux voyages qui valent, sincèrement, le détour….