Euthanasie : permis de tuer ou d'éliminer ?

Sondage-exclusif-59-des-catholiques-favorables-a-l-euthanasie_articleLa modernité à ceci de paradoxal que pour vouloir aller toujours plus avant, elle finit immanquablement par rétrograder. En matière de « mort acceptable« , par exemple. Celle qui devient, pour certains,  l’unique recours à des cas pathologiques médicalement désespérés, si l’on peut dire. Cela concernait jusqu’à présent quelques rares adultes incurables, quelques moins rares vieillards à bout de souffle et en bout de vie. Cela risque fort de concerner maintenant de plus en plus de monde. Enfants compris, comme nous le montre aujourd’hui ma chère Belgique. Non, Majesté, cette nouvelle loi adoptée hier chez vous ne représente pas un progrès

Imaginer qu’une enfant de cinq ans, comme je l’ai entendu hier sur France Culture, puisse demander la mort à sa mère, -demande qu’elle a  elle-même interprété- , en s’arrachant ses lunettes respiratoires, c’est résolument HÉNAURME. Aller au ciel, pour un enfant de cet âge, ce n’est pas mourir comme un être vivant. C’est partir dans une sorte de rêve plus ou moins éveillé, à des lieues d’une réalité qui n’est pas encore perçue.

Ces lois homicides ont à mes yeux quelque chose de primaire, de bestial. Elles affichent surtout,aujourd’hui, un mépris souverain pour tout ce qui est tenté pour maintenir chez des êtres humains ce qui procède de leur dignité : tous ceux qui oeuvrent à éviter leur douleur, leur déchéance en les accompagnant avec ce que l’on nomme les « soins palliatifs » qui n’ont pas vocation à s’acharner à les maintenir en vie, puisque rien ne peut ni  les guérir ni les sauver, mais à leur permettre de s’éteindre comme ils y sont prédestinés par des voies naturelles, et sans souffrance.

Le « droit » de donner la mort, quelle qu’en soit la raison ouvre une boîte de Pandore que l’on risque fort à court terme de ne pas savoir refermer. Seul un dialogue discret, au sein des familles, serait opportun. Pas une Loi.

Il y a des populations qui encombrent, qui dérangent et que d’aucuns souhaiteront un jour éliminer. Comme d’autres l’ont fait autrefois. Il n’y a  pas si longtemps encore. On sait où cela a mené……

Une réaction s’organise, elle est en cours et j’invite mes lecteurs à la rejoindre, ici

Mourir est inéluctable. Etre « euthanasié » de plein droit ne doit pas l’être.

Une chance que l’euthanasie (la bonne mort) ne soit pas, dans l’immédiat du moins, en passe de devenir légale en France.  Il n’y aurait rien de plus terrible, à terme, pour notre humanité.

Mourir dans la dignité, comme le souhaite l’Association du même nom, est la préoccupation de chacun. Ce mouvement fut à l’origine, et de ce point de vue, une tentative pour résoudre la pesante question de notre longévité, des accidents de la vie, et surtout de tous les maux qui l’accompagnent ; mais cela devient aussi, fort malheureusement, un encouragement au déni du sens inexorable de la vie, qui est d’abord de VIVRE, ce à quoi s’emploient, souvent fort difficilement, la plupart des êtres humains qui luttent (*) pour elle.

Abréger la souffrance, nous dit-on. Mais il semble pourtant que la science, la médecine et notre législation elle-même en donnent le moyen.

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source : wikicommons

Les cas récents et surmédiatisés de malades incurables réclamant un suicide assisté, les procès liés, depuis des décennies déjà, à ces affaires toujours tragiques qui, les uns et les autres, en appelent à nos émotions rendent aujourd’hui le débat malsain. Cette dictature de l’émotion , pour emprunter à Patrick Verspieren, s.j. et à son excellent article (Etudes, sept 2008, pp.149-152) ne mène plus qu’à une regression complète de tout principe d’humanité, (Jean-Claude Guillebaud), qui repose sur les principes les plus élémentaires de la Morale.

S’il est impensable pour un catholique (mais pour d’autres croyants aussi) d’imaginer donner la mort, fût-elle douce, les libres-penseurs peuvent néanmoins concevoir les dérives qu’une telle législation pourrait induire : la suppression progressive (en douceur) de vies perçues comme pesantes, voire inutiles, dans le champ desquelles s’agglutineraient les trop vieux, les trop malades, les trop déviants, les trop… différents. Cela rappelle des souvenirs plus que fâcheux.….

Dino Buzzati donnait déjà un  aperçu éminemment caustique du sort des premiers dans sa « Chasse aux vieux » (Le K et autres nouvelles, Laffont, 1967) ; caustique, donc, et d’autant plus réjouissant que la morale y reprend ses droits : le jour où le chasseur, devenu vieux, est chassé à son tour. Et cela, c’est inéluctable !

* le terme de recherche « lutte pour la vie » génére des millions d’occurrences francophones sur Google !

« La route » de Cormac McCarthy ou l’insoutenable effort de vivre

Il n’y a de prime abord rien de plaisant dans ce livre étrange, maussade, où les mots s’amenuisent en même temps que l’espoir.

L’espoir ténu qui mène un homme, son enfant et leur caddie vers un ailleurs qui n’est plus nulle part. Car du monde, rien ne subsiste que de rares survivants, des eaux troubles, un air opaque, les structures déchiquetées de constructions irradiées et le goudron fondu de La route.

Cette vision terrible de ce que serait le monde après un de ces cataclysmes banalisés par les fictions, traduit sans doute cette peur, cultivée par les mêmes fictions, de l’éclatement de notre société représentée ici par ce caddie, vestige le plus trivial de notre matérialisme effreiné.

Mais elle peut être aussi celle de la misère extrême que chacun peut atteindre à un moment ou l’autre de sa vie. Quand le monde s’écroule à la suite d’une épreuve, d’une maladie, d’un deuil, d’une perte d’emploi. Ou pire encore, à cause d’une guerre généralisée.

Le monde n’est plus, ici, qu’une allégorie, celle de la misère suprême, tant physique que morale, à laquelle parviennent nombre des héros de Cormac McCarthy. Mais alors que Suttree évoluait dans un monde ordinaire, nos deux routards progressent dans un no man’s land où la vie elle-même n’est plus qu’une survivance, où l’Autre n’est plus défini comme un semblable, mais d’abord comme un ennemi, sachant qu’il existe, peut-être encore, quelques gentils.

Cette route n’est décidément pas plaisante à suivre, et l’on se force un peu à naviguer dans ce néant, attendant au détour des pages un espoir, une lueur qui ne viennent jamais. Les mots se raréfient à mesure que la progression confirme le désastre. Mais l’homme, toujours, reste humain, avec cette urgence de vivre jusqu’au bout. Jusqu’à la mort, qui le prend sans qu’il ait le temps de savoir que l’enfant, lui, sera sauvé.

A l’heure où l’on s’interroge sur l’opportunité pour certains d’abréger des fins de vies difficiles ou insoutenablement douloureuses, il n’est pas anodin de voir ainsi loué l’effort de vivre et d’ assumer jusqu’à son terme la vie donnée, sa grandeur, sa misère et sa nécessité.