Journaliste (F. Aubenas)ou philosophe (BHL) : l’expérience contre le discours

Florence Aubenas était ce matin l’invitée de Marc Voinchet, animateur des Matins. Son dernier livre « Quai de Ouistreham » en a fait d’ailleurs, depuis sa sortie,  l’invitée de tous les plateaux et colonnes.  Il n’y a pourtant rien de nouveau dans sa démarche : Simone Weil, Madeleine Delbrel et tant d’autres se sont immergés, pour les comprendre et les soulager,  dans des vies qui n’étaient pas les leurs. Aujourd’hui et pour quelques temps, Florence Aubenas devient un nouveau centre d’intérêt du microcosme médiatique. Comme le fut, il y a quelques jours encore, le jalousé  Bernard Henri-Lévy. Pensez-donc : une journaliste qui fait, honnêtement,  son métier : 6 mois d’enquête sur le terrain obscur de la réalité,  si loin du confort et du conformisme germanopratins, il n’en faut pas moins pour susciter tant de curiosité, de doute et de suspicion.

Nos éditocrates des Matins, par ailleurs chroniqueurs patentés  qui émargent dans bien d’autres rubriques,  n’en sont pas encore revenus. D’abord qu’on ne l’ait pas reconnue quand elle s’est présentée, au Pôle emploi de Caen, sous sa véritable identité.  Mais quoi d’étonnant, en vérité.  Un agent du Pôle, face à la file d’attente et aux dossiers qui s’empilent peut-il imaginer un seul instant qu’une personnalité, quelle qu’elle soit, se soit glissée dans la peau d’une chômeuse en quête de n’importe quel emploi ? C’est oublier bien vite toute l’acuité de la fameuse « Lettre cachée ». L’évidence le plus souvent nous échappe. La réalité aussi, quand elle est traduite par ceux qui la commentent de loin.

Marc Voinchet, parangon de la culture Radio toujours si prompt à s’ imposer dans l’interview, ne parvient pas à comprendre que l’enlèvement si médiatisé dont Florence Aubenas fut victime n’ait pas fait l’objet de sa part d’un quelconque ouvrage, où elle se serait racontée. Il comprend mal, en somme, qu’elle n’en ait pas tiré profit.

Le profit que va générer ce livre, des lecteurs du Monde  ne manquent pas de s’en indigner. Comme cette Louise, prétendument auteur(e) qui livre (22/02) une critique acerbe du travail accompli. Mais l’eût-elle fait ? Peut-être, pour un bon prix ? Les bobos toujours prêts à la critique ne le sont pas nécessairement à s’engager ailleurs que dans leurs discours, de préférence dans de beaux quartiers.

S’il est vrai, et c’est probable, que 20 % de la population française connaît le même sort que  celui des travailleurs précaires,  confinés aux tâches les plus ingrates acceptées, le plus souvent,  de bonne grâce dans l’espoir qu’elles serviront peut-être de tremplin vers un emploi meilleur ou plus durable, il est tout aussi vrai que cette réalité du monde est invisible pour ceux qui le dominent. Comme demeurent invisibles les anonymes, les petits, les sans grade largement décrits et soutenus par un Victor Hugo dont le mode de vie était au demeurant fort éloigné du leur.

Mes lecteurs s’étonneront sans doute de ma réaction : oui, j’écoute France Culture, malgré tout. Il est important de savoir comment, en haut, on perçoit le monde ; de savoir dans quel prisme il est déformé et, le connaissant, d’y échapper.

Il y a dans notre pays quantité de salariés et plus encore de bénévoles qui sont confrontés chaque jour à tous les degrés de la précarité sociale, à tant de vies si modestes, invisibles.  Ils  savent mieux que personne de quelles désillusions, de quel courage, de quels espoirs, de quels bonheurs  aussi  ces vies  sont faites. On ne peut négliger une nouvelle expérience qui a au moins le mérite de les faire connaître pour ce qu’elle sont, réellement.

Information: entre le buzz, l’émotion et la rumeur du complot, la réalité a rarement le dernier mot

Sur Arte cette semaine, la tentative de Daniel Leconte de déjouer les pièges de la désinformation n’aura guère retenu l’attention : 2% d’audience contre 27,4 pour le Dr House. C’est dire tout l’enjeu de l’information.  Un enjeu dont se « foutent »  la plupart des gens qui ne mesurent malheureusement pas les conséquences de ce qu’ils subissent et à quoi cela peut (encore)  les  mener.

David Pujadas, désormais « pure people » mais  libéré ici par le micro de Denis Jeambar,  est tout d’un coup remonté dans mon estime : j’ai bu du miel en entendant ses propos et ceux de ces journalistes  prétendument « en colère », mais surtout affligés de ne pouvoir exercer leur métier autrement que de la façon à quoi les contraint le « marché » , du moins celui des radios-télés. : au plus bas niveau de l’émotion, de la bonne conscience, du micro-trottoir, du bon conseil et du mode d’emploi, bien loin devant la rigueur de l’enquête,  la réserve et l’analyse qui restent encore les vrais critères, du moins pour une certaine presse écrite qui attire cependant de moins en moins de lecteurs. M. Pujadas devrait retourner aux écritures, moins lucratives sans doute que la télé, mais il s’y sentirait bien mieux.

L’imposture et la manipulation  dévoilées dans cette « Théma » ont un bel avenir. Pour n’être pas nouvelles, elles ont aujourd’hui l’avantage jamais atteint de pouvoir  diffuser leur venin instantanément,  dans le monde entier et dans toutes les langues et de moduler les opinions. La théorie du complot, quel qu’en soit l’objet,  fait florès et, comme les pires rumeurs,  parvient presque toujours à déjouer toutes les manifestations factuelles de la vérité objective en s’appuyant sur des témoignages, documents ou rapports soi-disant cachés. « La vérité est ailleurs » pour les chercheurs de type  X-files, et pour quantité d’entre nous, assaillis par le doute face aux contradictions de l’information.

J’avoue avoir été sidérée en recevant dernièrement un film sur le 11 septembre. Le montage en était parfait. L’illusion  du « complot » aurait pu marcher si je n’avais pas eu la chance d’être entourée de spécialistes de résistance des matériaux pour qui la cause (de l’effondrement rapide des tours) est entendue.

Quant à la grippe et ses vaccins, vecteurs de calamiteuses  rumeurs, rien ne permettra jamais à ceux qui les ont propagées de les détromper : le discernement et l’analyse sont assez mal enseignés ou mal pris en compte.

En matière de manipulation et de fabrique d’opinion publique, tout est donc possible et malheureusement, sans limite.

Certains Matins sur France-Culture … on part écouter RTL

On l’aura compris, il y a longtemps que j’écoute France-Culture. Pour une bonne et simple raison :  pas de publicité commerciale et nombreux centres d’intérêt.

L’éloge du savoir, par exemple, qui permet aux plus isolés de suivre, comme s’ils y étaient, des cours du Collège de France ou de telle Université  où un Maître de son domaine aura professé.

Les enjeux internationaux, dont  Thierry Garcin, autre maître du genre, rend pour nous presque lumineux les méandres obscurs.

730px-microphone_studio (wikicommons)Et toujours, ces Matins, autrefois animés par Jean Lebrun qui avait tant d’égards pour nos campagnes et ceux qui vivent bien loin de tous ces petits feux parisiens.

Las, que ces Matins m’agacent, qui ont pris avec ses successeurs d’autres couleurs, trop vives et parfois si acides.

Ces chroniqueurs, dont on se demande parfois s’ils sont là par pure estime (les petits copains) ou parce qu’ils ont vraiment quelque chose à dire qui ne concerne pas qu’eux-mêmes.  Du fiel, le plus souvent répandu sur d’autres. Certains, la plupart même, rêvent encore au « Grand Soir », comme cette Clémentine Autain qui vient tous les jeudis déverser sa bile amère sur ce qu’ont pu faire, pendant la semaine, les gouvernants. Quoi qu’ils aient pu faire d’ailleurs, qui ne soit pas conforme au rêve stalinien.

Ce qu’il y a de bien, dans ces Matins, c’est la tranche d’âge : aucune n’est laissée en chemin. Il y a les vieux camarades comme Catherine Clément,  les libres-penseurs très matures, tel A-G. Slama qui est décidément partout, ou Marc Kravetz, ce fin portraitiste dont la diction, un comble pour la radio,  devient chaque jour plus inaudible. J’allais oublier la jeunesse de Mademoiselle de Kervasdoué qui fait rarement dans la dentelle dans sa revue de presse internationale.

Ces Matins donc, autour de notre beau Normalien, allez, vous savez bien, cet Ali Badou si prisé, ces matins, donc, ressemblent de plus en plus au premier salon où l’on cause, et où l’auditeur que je suis se demande ce qu’il est venu faire ici où rien ne réjouit vraiment que la critique et la révolte mais où manque cependant l’ingrédient suprême à qui tient salon : le sens du Ridicule qu’il faut conserver pour soi-même.

Ali Badou recevait ce matin l’auteur d’un livre que Nancy Huston elle-même porte semble-t-il aux nues   : il  relate ses années de prison après un casse manqué. Voilà donc comment aujourd’hui remporter un succès, une présence sur les plateaux et sur les ondes, à commencer (peut-être) par celles de France Culture, et ses salons très parisiens où l’on s’émeut de tant d’innocence : vols, exactions meurtres qu’importe, s’il font au moins un bon livre. Affligeant.

J’ai fini par tourner le bouton pour retrouver, sur RTL, un Jean-Michel Apathie toujours  incisif mais surtout moins enclin à s’esbaudir devant les turpitudes et à passer,  comme tant d’autres,  de la rhubarbe au séné.

Iran: 30 ans de voile islamique pour…. des pintades ?

C’était il y a quelques mois ; je cherchais des informations sur le mode de vie actuel des femmes iraniennes, évoqué par J.C. Guillebaud dans son dernier ouvrage (voir mon billet ), mes connaissances en la matière étant réduites à ma fréquentation très lointaine des Langues O.  Google m’a donc envoyée sans détours sur le site des Pintades en Iran, puis sur celui de son auteur, Delphine Minoui.

Harem, XVIIIème siècle
Harem, XVIIIème siècle

Ce livre avait semblait-il, à sa sortie,  pas mal agité le bocal. Interpellée d’emblée par ce titre grotesque, mais découvrant du même coup que l’auteur en était une charmante jeune femme,  titulaire  depuis deux ou trois ans du prix Albert Londres, qu’elle était depuis depuis dix ans correspondante du Figaro à Téhéran, je lui adresse ma question : Pourquoi des pintades ? Contre toute attente, je reçois sa réponse, circonstanciée, chaleureuse, mais pour moi peu convaincante. Des dindes aux pintades, il y a plutôt réduction. Un bref échange s’ensuit et son offre de me faire parvenir son livre que je reçois effectivement dans les 48 heures de son éditeur.

L’aurais-je acheté, ce livre ? Probablement pas. Avec une autre titre et une autre couverture, sans doute. Je ne suis guère cliente des guides pratiques et des « noms d’oiseaux ».Mais enfin, puisque je l’ai eu entre les mains…

Difficile, pour une femme de ma génération (mais pour celles qui suivent aussi sans doute) d’imaginer vivre dans de telles conditions, la première étant la non-mixité qu’imposent à sa jeunesse un Etat religieux, la seconde de devoir y vivre cachée; mais si l’on y songe, ces conditions ne sont  cependant que le fruit d’une longue tradition, un temps (trop court) interrompu, celle du harem. A l’aune de notre culture occidentale, cela semble insensé. Tant de chemin parcouru, chez nous depuis les gynécées si chers aux Athéniens, même si, par ailleurs, nos octogénaires d’aujourd’hui se promenaient encore dans leur jeune temps, dûment gantées, coiffées et chapeautées….

Ceci étant, quand féminité rime à ce point avec frivolité, on en vient à se demander si…..la basse-cour n’est pas tout indiquée, car de  frivolité, il est beaucoup question dans cet opuscule : celle d’un monde féminin qui m’est pour ma part presque étranger, mais moins encore, sans aucun doute, que celui, si matérialiste qui nous est présenté ici : voilà bien le comble d’un Etat prétendûment religieux, où l’Esprit semble si largement dominé par la Matière.

On fête donc aujourd’hui les trente ans de cette révolution islamique préparée sans secret à Paris,  où Le Monde d’alors tirait chaque jour ou presque à boulets rouges sur un Shah de Perse trop inspiré sans doute par des valeurs jugées par trop occidentales et matérielles,  imposées de surcroît à ses opposants par une violente répression.

Les révolutions ont cet inconvénient de faire croire à l’arrivée d’un monde meilleur. Ce n’est qu’après coup (après les coups ?) que les yeux se désillent et regardent avec nostalgie le monde…. d’avant.

Pierre Péan, parangon de l’enquêteur « à charge »

On nous indique, chez Wikipédia, que sa « page » provoque  une controverse de neutralité. Sans doute est-ce bien le moins. Mais ce que j’y ai trouvé de plus intéressant est un article de Christine Mital, décédée brutalement voici deux ans,  publié en 2001 dans son Journal : un portrait de journaliste ….. qui est, justement, celui de ce même Pierre Péan.

No comment
No comment

Chercher la Vérité est une tâche plus qu’honorable quand elle doit servir à faire le Bien. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Je n’ai jamais vu, ou rarement, d’investigations tournées vers une quelconque quête du Bien, sauf dans les cas appropriés d’ agiographies,  contre-expertises,  ou réhabilitations.

Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose, écrivait Beaumarchais. Car dès lors, la chose est pour ainsi dire adjugée.

Voilà une vision du monde (du Monde ?) qui me semble bien désolante. Car en définitive, on n’en voit guère, pour seul résultat, qu’une défiance accrue pour tout ce qui, de près ou de loin, touche aux pouvoirs, quels qu’ils soient et d’où qu’ils viennent. Une vision qui déchaîne des passions, des plaintes, des procès, des drames mais qui n’aboutit que rarement au résultat escompté  par son auteur.

Mais sait-on jamais ce qu’il en attend ? Et si c’était au fond tout autre chose que cette quête de Vérité et de Justice, comme le moyen le plus tangible de faire parler de Soi ? Et, le tout ramené au nombre de tirages escompté, d’en tirer quelque substantiel profit ?

Dans l’article évoqué plus haut (Nouvel Obs,  mars 2001) sur les sept familles de la République des Lettres, le dernier me séduit particulièrement : il évoque l’écrivain libre et (alors) méconnu (Stéphane Zagdanski) qui ne vit que pour l’impérieuse nécessité d’écrire, dans le dédain de toute contrainte matérielle qui conduirait à l’en priver. Et l’auteur de l’article de citer Jules Vallès évoquant tous ceux qui, nourris de grec et de latin, sont morts de faim.

Que m’importe qu’un Péan ou un autre extirpe de dossiers, d’archives ou de poubelles ce qui peut ressembler à une vérité. L’enquête est ici obstruée par l’obsession de son auteur d’instruire uniquement à charge. Ce n’est pas une voie loyale mais la forme, assez dévoyée, de l’image de justicier qu’il se fait de soi.

Autant dire que je n’ai aucune envie de savoir ce que pourrait être « Le monde selon K. »

Arte Info : Elections, chômage : L’information réformée par des chiffres inexacts, mensongers, ou non vérifiés

Alors là, je ne me retiens plus : fidèle de la chaîne (sans publicité), et  n’en demeurant pas moins très circonspecte quant à son objectivité, je constate depuis quelques jours que l’on nous « balance » des chiffres furieusement érronés, sortis d’on ne sait où. Ce furent d’abord, cette semaine,  ceux de la campagne électorale des candidats à la Présidence des Etats-Unis, oh, trois fois rien, quelques dizaines de millions pour l’un et l’autre, genre 60 et 80. Pour mémoire, on est parvenu a plusieurs CENTAINES, ce qui n’est pas exactement la même chose. (voir mon billet précédent)

Le chômage en France le 30/10/2008 vu par Arte-Info
Le chômage en France le 30/10/2008 vu par Arte-Info

La tendance hier était inverse et plutôt haussière dans le triste domaine, cette fois, du chômage : la charmante présentatrice allemande n’hésita pas un instant à nous présenter un tableau (qui donc a bien pu l’établir, celui-là ?) présentant l’accroissement du chômage en France : + 8000, (ce qui est exact) soit 3.869.400 !. Quand on sait que le même jour, le chiffre officiel (1.957.600) était disponible dans tous les autres medias, on ne peut que s’interroger sur la validité du reste des informations fournies par la chaîne…..

Devant l’énormité de la chose, j’ai bien sûr attendu un démenti, ou à tout le moins des excuses. Mais j’ai attendu en vain.

Allons, messieurs d’Arte Info, si prompts souvent à la pose, contrôlez vos sources, c’est le b.a. ba du métier !

Action directe, Brigades rouges, terrorismes : il n’y a pas d’assassinat politique, il n’y a que des assassins.

C’est le premier des Commandements des Tables, mais c’est aussi celui de toutes les sociétés tant soit peu policées, dont la nôtre : tu ne tueras point. Le reste n’est que verbiage idéologique. Tuer qui que ce soit froidement, en pleine rue, devant chez lui demeure, quel qu’en soit le motif, un acte de haine incompressible et irréductible. La haine n’a pour corollaire que la mort, celle que l’assassin inflige à certains, celle qu’il fait planer sur d’autres.

Tables de la Loi
Tables de la Loi

La vocation de certains activistes est d’abord la Haine, une haine primale,  farouche et glacée d’opposition et non de résistance. On ne résiste pas à, on s’y oppose. Une opposition si radicale qu’elle reste le plus souvent restreinte, donc inaudible, et prête à tout pour qu’on l’entende. Des luttes absurdes et mortifères. Quelles qu’elles soient. l’Histoire récente regorge de ces combats.

Le battage fait récemment autour d’anciens membres ou leaders de mouvements extrémistes des années 1970-80, jugés pour leurs actes invite à la réflexion : certains d’entre eux ont été complètement anéantis, physiquement ou moralement ; d’autres ont été en quelque sorte privilégiés par un statut particulier (semi-liberté). L’exposition médiatique, dans ce cas précis, vaut aujourd’hui à l’un d’eux de retourner en geôle pur y purger normalement sa peine. Faut-il s’en indigner ?

Même si, de mon point de vue chrétien, c’est Dieu qui, en dernier ressort sera le seul juge, ce serait mépriser la justice des hommes, la Justice de notre République, que d’en modifier la sentence. D’autant que l’individu n’a, selon toute apparence, fait preuve d’aucun sentiment de culpabilité ou, pire, du moindre remords.

M. Georges Besse était un de ces grands patrons, éclairé et humain dont la France d’aujourd’hui aurait sans doute bien besoin : il  n’a jamais failli dans ses missions d’ingénieur visionnaire. La haine et la lâcheté seules ont brisé sa vie et celle de tous les siens. Non, il n’y a pas d’assassins politiques, il n’y a que des assassins.

Otages (suite) : face à la terreur, le secret et l’action supplantent toute négociation

C’était en avril dernier : j’avais été « agacée » par le matraquage médiatique autour de Mme Bétancourt, dont je pensais alors qu’il était excessif et nuisible peut-être à sa libération ; il est vrai que l’on disait un peu n’importe quoi. Sa propre mère avait dû rectifier le tir quant à la mort, quasiment annoncée, de sa fille.

A la surprise générale, et au grand dam sans doute de certains medias qui n’ont pu relater les faits qu’après coup, l’armée colombienne a réalisé ce que M. de Villepin avait rêvé de faire il y a 5 ans déjà et dont (pour cause d’échec) « on » s’était, ici et là, abondamment gaussé : une intervention digne de Mister Bond, qualifiée par Ingrid Betancourt elle-même d’impeccable, c’est-à-dire, rappelons-le, sans faute.

Si le secret avait été éventé, la situation ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui, ni même d’ailleurs ce qu’elle fut en 2003. Sans doute aurions nous assisté (en direct ?) à un « baroud d’honneur » de terroristes plus ou moins piégés et aux représailles terribles qu’ils n’auraient pas manqué d’exercer sur les centaines d’otages encore prisonniers de leur jungle.

Certes, l’expression publique, la volonté affichée de résoudre cette tragique affaire et la relation permanente des efforts mis en oeuvre, tant en France que dans d’autres pays, auront à terme infléchi la décision finale du Président Uribe : mais nous n’avons pas à connaître (l’histoire le dira) ce qui s’est concocté dans les diverses chancelleries. C’est en tout cas dans le plus grand secret que l’intervention a été préparée puis menée, et qu’elle a (magnifiquement) réussi. Dommage qu’il ait fallu tant d’années pour en arriver là. Mais enfin, mieux vaut tard que jamais.

Journalisme : la tête haute et bien faite de Memona Hintermann

Je n’aurais jamais pensé lire les confessions de Memona Hintermann si elles n’avaient figuré au programme de mon abonnement à la Bibliothèque Orange, qui a l’inestimable avantage de m’assurer un complément de lectures nécessaire pour combler mes propres acquisitions.

J’ai tout simplement dévoré son livre, la nuit dernière. Dévoré, parce que dès les premières pages, j’ai été saisie par son histoire, il est vrai peu banale. Et ce, malgré un a priori contre.

On devrait toujours se méfier des a priori. Mais FR3 m’a toujours semblé si marquée, au plan de l’information, que je ne suis toujours pas vraiment sûre que l’idéologie communiste, dont Mme Hintermann décrit au demeurant très bien le processus d’infiltration (voir plus bas), en soit définitivement exfiltrée.

Ceci étant, sortir d’une déroute familiale, de la misère et pis encore de l’exclusion sociale n’est pas le moindre défi. Memona l’a relevé dignement, avec courage, ténacité, et le verbe très haut encore.

Etre grand reporteur n’est pas un métier facile ; il est même dangereux. Rien à voir avec l’animation de plateaux, auxquels se consacrent tant de journalistes plus ou moins patentés. Mme Hintermann n’a d’ailleurs rien obtenu facilement, ce qui rend d’autant plus appréciable sa liberté de ton et l’engagement qu’elle a pris très tôt d’informer les autres de la vérité de choses souvent occultées. Surtout en France où l’on s’entend si bien à s’auto-flageller, à s’excuser, se repentir d’avoir été.

J’ignore ce qu’est devenu ce M. Hervé Guibert, homonyme sans doute de l’écrivain défunt, qui fut un temps Directeur de l’Information de FR3 et qu’elle ne porte pas dans son coeur. Et pour cause : « En 1981, quand la gauche unie arrive au pouvoir, derrière François Mitterand, le parti communiste infiltre plusieurs de ses journalistes, notamment de l »Humanité, à des postes de commande. (…) A la rédaction nationale de FR3, les communistes font tout ce qu’ils peuvent pour démoraliser ceux qui ne sont pas sur la même longueur d’onde qu’eux. Hervé Guibert, ex-syndicaliste reconverti dans le rôle de directeur de l’information, devient, sans vergogne, un véritable patron de combat, et menace les indisciplinés » (page 177)

C’est pourtant au sein de cette chaîne que Mme Hintermann a passé sa carrière. Ce qui prouve que les choses peuvent, quand même, changer. C’est là toute la force de notre République, qu’elle défend si bien. Elle sait ce qu’elle lui doit : une école et ses hussards, qui sont la chance des plus malchanceux. a condition qu’ils s’en donnent la peine. Et de la peine, elle en a eu et s’en est donné : elle sait de quoi elle parle, quand elle parle d’immigration, de misère, d’exclusion, d’intégration …. et de religion. Chez elle, on est musulman ET catholique. Indien ET Breton (de la Réunion). Et d’abord Français.

J’ignore ce qu’en pense M. J.C. Guillebaud (prix Albert Londres) que j’admire particulièrement : j’espère seulement qu’il apprécie une consoeur aussi impliquée que lui dans sa foi et son espérance, sa recherche de la vérité et sa quête de justice. Cela n’est sans doute pas le cas de bien d’autres, qui n’honorent guère la profession.

Mémona Hintermann, déjà médaillée de la Légion d’Honneur en 2001, vient d’être décrétée, le 16 mai dernier, officier de l’ordre national du Mérite, une distinction qu’elle méritait bien.

Millenium, suite : de la valeur inestimable du mariage

J’ai déjà*, dans un précédent billet, abondamment critiqué ce nouveau « block buster » de la littérature suédoise devenu international et dont chacun ou presque connaît à présent la teneur ou l’histoire. Ce frémissant thriller est donc devenu, tant pour ses éditeurs que pour les ayant-droit de son défunt auteur, un inestimable trésor, sordide objet de convoitise et de rapacité.

On nous dit qu’à Stockholm, on se déchire autour d’un prétendu « testament » de l’auteur, trouvé par sa compagne depuis trente ans, elle-même désavouant ce qui lui restait de famille qu’il avait écarté depuis bien trop longtemps. Il n’avait, à vingt ans, pas grand chose à léguer. Il n’imaginait pas non plus qu’il mourrait à cinquante en auteur à succès, sans le savoir, et sans en profiter.

J’imagine assez bien ce que coûte à sa compagne la démarche de tout créateur : de temps, de présence, de sollicitude et d’abnégation. D’amour, en somme. Car tout se fait, tout se peut, par amour. Surtout quand l’amour se partage. Mais dans ce cas précis, je doute qu’il le fut.

A vingt ans, M. Larson pensait à laisser son peu de biens à un groupe communiste. Du moins manifestait-il là ses choix, et ses volontés.

A quarante, il vivait depuis plus de quinze ans avec une femme qu’il aimait peut-être, qui l’aimait sans doute, puisqu’elle était encore à ses côtés dix ans après. Il n’a jamais pensé alors qu’il pourrait disparaître un jour en la laissant dehors, puisqu’elle vivait chez lui.

Nos lois, ici ou là, ont inventé des subterfuges pour tous ceux qui ne voient dans le mariage qu’entraves et obstacles à toutes leurs libertés. Le « pacs », testament et autres donations leur permettent a minima de protéger cet autre si fragile quand survient le départ, la mort ou l’abandon. Sans s’engager plus loin.

Ce sont paradoxalement ceux pour qui le mariage n’a pas vocation à (pro)créer qui en revendiquent le droit : sans doute ont-ils saisi quelle en est l’inestimable valeur : celle de la construction , évolutive et modulable d’un sentiment qui s’épanouit ou se flétrit au gré de la volonté et de la responsabilité de chacun. Une construction qui peut être durable, si l’on en fait le voeu. A deux.

M. Larson a eu l’honneur de ne pas demander la main de sa compagne. Les communistes suédois pourront se réjouir du cadeau qu’il leur a laissé …..si toutefois ils peuvent justifier qu’ils en sont bien destinataires. La famille, quelle qu’elle soit, a encore des droits.

* sur ce blog : Millénium : Stieg Larson ou la fascination du mal