Zemmour, toujours

destinfrançaisCe « Destin français » que je viens justement d’acheter, je n’en parlerai donc pas encore ici. Je le lirai sans doute, quand mon poignet me permettra de le tenir en main : c’est un pavé. Et son auteur en est semble-t-il un aussi dans la mare de ceux qui ne l’aiment pas, et ils sont nombreux, surtout sur les ondes radio. C’est même surtout pour cela que je l’ai acheté. Parce que Zemmour ose dire ce que les bien-pensants refusent : des vérités. Et qu’il est apparemment devenu interdit de plateaux.

J’aurais voulu parler ici du bon moment que je viens de passer avec le petit opus de Samuel Benchetrit « Reviens », plein d’humour, mais surtout très drôle en fait, et plein de tendresse aussi. Puis j’ai découvert (sur le net) qui était cet auteur pour moi inconnu (j’avais chargé son livre sur un site d’e-pub gratuits). J’ai tout de suite compris qu’il devait sans doute détester Zemmour (il a soutenu Ségolène)  ; encore que. Quand on imagine écrire sur Pline le Jeune…..Et puis, apparemment, il est très connu, M. Benchetrit. Même si çà l’ennuie. Il n’a donc pas besoin de mon pauvre petit soutien. D’autres s’en chargent très bien.

Car c’est bien de soutien qu’il s’agit, là, ce matin : celui de notre liberté d’expression qui , à l’instar de notre « Justice » ne s’opère que d’une seul côté, celui des « bons » (progressistes de tout poil) qu’on oppose désormais systématiquement aux « méchants  (infréquentables conservateurs).

Zemmour pousse parfois le bouchon un peu loin. Sur les prénoms, par exemple. Avant d’en affubler leur enfant, les parents devraient certainement penser d’abord à ce qu’il véhicule. Mais comme tout est permis en la matière, porter celui d’un parent, d’une voiture ou d’un fruit ne devrait plus déranger personne puisque chez nous, de toute façon, les saints sont bannis. Pour ce qui est de l’intégration, c’est une toute autre histoire. Ceci dit, on trouve toujours des Sophie, des Mathieu et même des Jean. Ou du moins on en trouve encore. Mais peut-être plus pour très  longtemps.

Subventions déniées aux Ostensions limousines : un déni d’identité ?

Saint-Martial (fresque, Avignon)

Par les temps qui courent, voilà un bel exemple d’identité française, ou du moins limousine : celle que confère à cette région, voire à tout  notre pays lui-même cette manifestation septennale largement évoquée l’an passé : les Ostensions limousines.

S’il est à l’origine  essentiellement religieux et catholique , il s’agit pourtant,  de nos jours d’un « évènement » largement pris en compte par tout ce qui a vocation à attirer un public toujours demandeur de tourisme et de « distraction », comme on peut le constater sur ce lien.

J’ignore ce que les instances locales ont accordé à certaines communes ostensionnaires pour les aider à réaliser au mieux cet évènement afin d’y attirer les foules. Cela ne doit pas dépasser 60.000 euros. Au regard des budgets régionaux, des subventions accordées par ailleurs à tant d’autres associations, mouvements ou évènements moins visibles et surtout moins fédérateurs,  cela ne représente sans aucun doute qu’une goutte d’eau.

Cette goutte d’eau a pourtant fait déborder le vase pour une poignée de citoyens hostiles à ce « fait religieux » (surtout catholique d’ailleurs) qu’ils dissocient de tout son contexte  historique, social et identitaire pour n’y voir qu’une scandaleuse transgression de la Loi de 1905 séparant l’Eglise de l’Etat, et d’abord leurs budgets.

C’est apparemment ce qu’en  a conclus le Tribunal administratif de Lyon qu’ils ont saisi et qui vient de rendre son jugement.  On peut dès lors se demander ce qui se passe à Lyon, en matière de subventions, pour ce qui est devenu désormais la coûteuse (et annuelle)  Fête des Lumières, tradionnelle fête de l’Assomption de Marie si chère à l‘identité lyonnaise, cette fois officiellement récupérée comme « évènement » !

On est donc enclin à penser qu’un appel sera prononcé à l’encontre du déni fâcheux dont les aides aux  Ostensions font l’objet : ce ne sont pas à l’Eglise ni même aux paroissiens, toujours bénévoles,  que ces subventions ont été accordées par les communes bénéficiaires, mais bien pour couvrir une partie des frais qui leur incombent pour mettre en oeuvre sur leur territoire  n’importe quel évènement commercial, sportif ou culturel important pour la vitalité même  de la commune.

Au-delà de son absurdité, un tel jugement pourrait tout de même remettre en cause l’entretien du patrimoine culturel d’origine religieuse (et en particulier catholique) dont l’Etat est propriétaire et dont les communes françaises doivent assurer une grande partie de la charge, à l’aide le plus souvent de… subventions.

Deux esprits lumineux pour une même vision de la France : Charles De Gaulle et André Malraux

l'Espoir et le Fil de l'Epée

A l’heure où le sujet de l’identité nationale anime les débats, une lecture récente me renvoie à ce sujet déjà évoqué ici. Un jeune (et brillant) avocat,  Alexandre Duval-Stalla a donné, il y a deux ans déjà, le fruit d’un long travail fouillé, d’une compilation nourrie, personnelle  et éclairée de deux destins d’exception qui un jour se croisèrent pour former le lien d’une inextinguible amitié. Cette remise en mémoire de la vie de Charles De Gaulle, de dix ans l’aîné d’André Malraux et celle de ce dernier sont à relire d’urgence, car tout y est dit de ce qui fait la France et des valeurs de notre identité française.

J’emprunterai ici à Daniel Rondeau, qui préfaça ces « Biographies croisées » avant même qu’elles ne soient achevées, la fin de son exergue : « D’un côté l’homme du destin et de l’Histoire, de l’autre celui d’une fantasia permanente de l’intelligence dont les affirmations chargées d’une étrange énergie poétique claquent sur la toile mouvante du passage du temps. Chacun d’eux a trouvé son meilleur lecteur. Voilà qu’aujourd’hui un jeune homme nommé Alexandre Duval-Stalla se penche sur ces deux vies longtemps parallèles qui ont fini par ne plus former qu’une seule histoire. Duval-Stalla nous la raconte. Ce n’est pas si banal, il nous parle d’un temps où notre pays était gouverné par deux écrivains. Tout cela paraît loin. C’est très loin. Mais c’est la façon qu’a trouvée un homme de trente ans de parler de notre temps. »

Eh bien moi qui ai connu ce temps-là, je trouve ce jeune homme admirable, qui a su où puiser pour façonner son propre « Coeur intelligent »,  pour emprunter à Alain Finkielkraut dont le sujet de  la littérature, nourriture de l’intelligence, est le plus récent plaidoyer.

En ce temps de disette morale et d’athéisme triomphants, il est réjouissant de voir ainsi ramenés en lumière ces esprits qui appartiennent déjà à l’Histoire sur laquelle repose encore notre aujourd’hui. Car on peine à imaginer ce que serait la France, son territoire, son image, son patrimoine et sa culture si elle ne les avait pas rencontrés.

Par delà cette vision commune d’une France pérenne et généreuse, Charles de Gaulle était animé d’une foi catholique profonde et puissante, ce qui n’était pas le cas d’André Malraux qui résuma pourtant de la plus pertinente manière cette finalité mortelle qui l’obsédait : « Vous savez mieux que moi que nul n’échappe à Dieu ».*

*au père Bockel

Généalogies : l’histoire de nos identités ne fait pas notre nationalité

Saint Martin de Tours
Saint Martin de Tours

La profusion apparente de recherches patronymiques sur les sites généalogiques ne manque pas de m’intriguer. Chacun sans doute espère  savoir au moins d’où il vient, et de qui, ce qui n’est pour certains pas facile, qui ne sont pas nés ou  sont issus de voies trop naturelles ou pire encore non recensées. Dans la plupart des familles ordinaires,  non patriciennes, on connaît souvent l’origine de ses parents, de ses grands-parents même, parfois un peu plus haut encore.

Remonter le temps devient pour certains une véritable obsession. Il  passent des jours, des années,  à reconstituer le fil d’une histoire passée, de destins accomplis qui ne changeront plus rien, espérant découvrir peut-être qu’un de leurs lointains ancêtres fut plus connu ou plus glorieux… qu’ils le seront jamais eux-mêmes. En vérité, je n’en sais rien.

Avoir un nom, un lieu d’origine c’est, déjà, être identifiable, sinon être identifié. Mais l’Administration de ce beau pays n’a, en vérité,  que faire de nos origines : elles ne suffisent pas à nous conférer ce qui fait de nous des Français, notre nationalité, et moins encore ce qui en témoigne : notre carte d’identité.

J’ai par naissance un patronyme porté depuis quatre siècles et demi dans la ville où sont nés mon père et  cinq générations au moins de ceux qui l’on précédé. J’ai eu le malheur,  un jour, de perdre ma carte d’identité et d’en demander le renouvellement,  dans le département de cette même ville. J’avais un passeport, un permis de conduire, un livret de famille, une carte d’assuré social, d’électeur même, autant de pièces pouvant à elles seules justifier d’une identité. Las, cela n’était pas suffisant. Au bout d’un invraisemblable, ubuesque mais véritable  parcours du combattant, je finis, au Tribunal, par obtenir un « certificat de nationalité » que je reçus comme une insulte à la mémoire de mes ancêtres  qui n’avaient jamais quitté ce pays, ce certificat m’étant délivré au vu de cinq ans de déclarations fiscales attestant que je ne l’avais jamais quitté moi-même.

Depuis lors, je dois le dire, je me sens quelque peu étrangère en ce pays qui est le mien.

Nos patronymes ne sont signifiants qu’au regard d’une histoire passée dont le présent efface peu à peu les traces. On en  recense aujourd’hui en France moins d’un million et demi. C’est beaucoup, par rapport à la Chine qui n’en compte que quelques milliers et n’en utilise moins de vingt.

A défaut de statistiques plus concrètes, notre INSEE dispose au moins de ces noms que nous portons encore, ceux qui ont disparu de nos villes et de nos campagnes, de ceux qui y sont apparu et y apparaissent  encore depuis plus d’un demi-siècle d’exils, d’errances et de migrations. Dans le seul département de Seine-Saint-Denis, devenu pour certains le neuf trois, plus d’un millier de noms se sont éteints entre 1891 et 1915, sans doute pour fait de guerre.  Mais entre 1966 et 91, plus de 20.000 y sont apparus,  venus de nos restes d’empire et de tant de  contrées en guerre.

Tous ces hommes et ces femmes dont le nom s’impriment aujourd’hui sur les registres de notre nation sont devenus, s’ils ne l’étaient pas, simplement Français. Ni plus ni moins que tous les  Martin, qui couvrent de leur patronyme l’ensemble de notre territoire, évoquant ainsi  immanquablement ce Romain de Tours , ce bon Saint-Martin dont la bienveillance devrait, chaque jour au moins, nous éclairer.

A relire d’urgence pour éclairer la crise d’aujourd’hui : »Un testament à l’anglaise » de Jonathan Coe

No comment
No comment

Jonathan Coe est décidément un grand écrivain, (pourvu de l’excellent traducteur Jean Pavans) mais ce n’est pas son très émouvant dernier roman que j’évoquerai ici. Comme tout écrivain (véritable), J. Coe est un visionnaire. Et tout était dit, déjà, dans ce qu’il écrivait à trente ans, il y en  quinze déjà, sur ce qui ne pouvait qu’engendrer la « vraie crise » que nous vivons aujourd’hui : la parfaite déliquescence d’une société exclusivement guidée par le souci de sa propre satisfaction, et une économie dominée par une offre qui désormais précède la demande.

Ce livre est simplement jubilatoire. La traversée du demi-siècle d’histoire anglaise où nous emmènent les tribulations de Michael Owen, écrivain solitaire et désinspiré,  est un parcours terriblement excitant, tragique et drôle qui replace dans leur contexte tous les ingrédients sociétaux de l’Occident d’aujourd’hui. Certes, nous sommes ici en Angleterre, mais au fond, nous sommes partout.

L’Establishment , dont il est ici largement question,  aura eu beau jeu de faire prospérer, à l’instar de ce qui s’est passé  ailleurs, une consommation de masse érigée en système. L’austérité n’enchante pas les peuples qui demandent toujours plus de pain et de jeux. Le portrait caustique de quelques puissants nous invite dans les coulisses  du Pouvoir où le mépris obcène du peuple n’a d’égal que l’inépuisable source de profit qu’il représente pour eux. Cette comédie humaine qui couvre trois générations ne peut manquer d’interpeller ceux qui, en somme,  ont connu la  relative douceur de vivre dans un monde encore limité à la satisfaction de ses besoins, mais dont ils ont pourtant contribué le plus, pendant quarante ans,  à  étendre les contours  jusqu’à les  défigurer.

Que le lecteur pour autant se rassure, tous les comptes seront finalement réglés sous le crayon de l’auteur qui, véritablement, rayonne en nous offrant en prime quelques  pages d’anthologie sur les arcanes du pouvoir, le marketing info-medias, la création littéraire et artistique et la dérive alimentaire,  jusqu’à l’apothéose d’un final inénarrablement  anglais.

Quand au thatchérisme qui est la toile de fond de cet incroyable roman, il n’aura été sans doute que la conséquence logique du déclin de l’Empire britannique et de la situation de  l’Angleterre des années 70,  désindustrialisée et de surcroît  figée dans l’inertie  d’une administration aussi gloutonne que tentaculaire et improductive. Nul ne peut nier les dégâts causés par la radicalité du changements, mais nul ne constestait pourtant, avant la crise actuelle,  qu’ils aient été finalement salutaires au redressement et à la vitalité de ce très grand pays. Comment justifier  autrement le tropisme majeur qu’exerce encore la verte Angleterre sur tant de candidats à l’exil ?

Réforme territoriale 2014 : pourquoi pas une nouvelle Province ?

J’ai toujours (ou presque) vécu en province et  n’ai jamais aimé le terme de « région ». Le découpage de nos Régions correspondait déjà assez peu à la culture de leurs territoires (le Bourbonnais est sans doute plus proche du Bourguignon que de l’ Auvergnat et l’Ardéchois   probablement assez éloigné du Savoyard  auquel il est rattaché. Question d’histoire, mais surtout de géographie.

Le Massif Central
Le Massif Central

Ce qu’on nous propose aujourd’hui représente pour certaines d’entre elles un quasi déni. Rattacher l’Auvergne à la déjà immense et puissante Rhône-Alpes, par exemple ; ou même encore, la rattacher au  Limousin, car on est encore sûr de rien. Peut-être dépecer le Poitou pour repeupler le Limousin et agrandir encore l’Aquitaine ? On n’en sait rien.

Il semble que M. Balladur (ou son comité) n’ait pas pensé un seul instant qu’il y avait, dans son projet, une opportunité, peut-être, de redistribuer des cartes jusque là assez mal données. Pourquoi pas, en rognant sur leurs alentours, créer enfin, comme une nouvelle province,  un large Massif Central qui est après tout le coeur de ce pays ?

Par les temps qui courent (et sont encore à venir), qui sait s’il ne sera pas plus agréable de vivre dans tous ces lieux aujourd’hui tranquilles et vastes où bien des gens pourraient trouver une douceur de vivre qu’ils ne trouveront jamais au sein des métropoles surpeuplées qu’on nous annonce de toute part comme l’avenir de nos sociétés ? Que savons-nous de cet avenir, d’ailleurs ?

Quoi qu’il en soit, il faudra « faire avec ».

Quant à la France, elle  est le plus souvent coupée en deux. Quel que soit le gouvernement en place, le projet, les résolutions, les dispositions qu’on leur propose, il y a toujours ches les Français, à parts quasiment égales,  ceux qui sont pour, et ceux qui sont contre. Sauf si demain, et pour de vrai, on rasait gratis. Là, tous les Français,  enfin,  seraient d’accord.

L’Histoire en série-télé : retour en beauté sur le Passé, composeur d’identité

Muraille de Chine (Empereur Qin)
Muraille de Chine (Empereur Qin)

J’ai beaucoup, souvent, voyagé en Chine. Il m’est arrivé, certains soirs, d’y regarder la télévision. Chinoise, bien sûr. On pouvait y suivre, par séries successives, l’histoire de la Chine dans ce qu’elle avait de plus impérial, cotoyant, comme en piqûre de rappel, celle de sa Révolution, dans ce qu’elle eut de moins délétère. J’avais été frappée alors,  cela fait tout juste dix ans, par la fierté nationale dont avaient témoignés devant moi de jeunes et brillants cadres chinois -diplômés d’universités étrangères, anglaises ou américaines-, vis à vis de leur pays à qui ils accordaient d’emblée tous les succès.

C’était à Shanghaï, où l’on venait d’inaugurer le nouvel Opéra réalisé par un architecte français. Ils s’acharnaient à prétendre que l’architecte était chinois. Je n’ai pas insisté plus longuement, lassée par leurs certitudes  et pressée par mon emploi du temps. C’est seulement  après coup- devant un autre épisode de la même série TV- que j’ai constaté combien est insidieux le spectacle (didactique) qu’un Etat veut donner de lui même  au plus grand nombre de ses ressortissants, mais parfois même au monde entier, pour forger, ou réincarner, leur identité.

Notre télévision nationale revient depuis quelque temps sur le sujet de notre Histoire avec la série « Ce jour-là, tout a changé » commencée par celle, bien menée,  de l’assassinat d’Henri IV.

Versailles
Versailles

Cette Nuit de Varennes, montrée l’autre soir, avait tout de même de quoi surprendre les spectateurs ignorants des travaux récents ou limités, pour les plus âgés,  aux leçons d’histoire déjà fort anciennes de leur lointaine jeunesse.

Qu’il était donc avenant, ce jeune Roi de trente quatre ans, pétri de culture et de modernité, d’amour pour son pays,  (pour sa femme aussi, ce que l’on savait, qui n’était même pas infidèle, ce dont on nous a longtemps fait douter), qui avait encouragé et soutenu la révolution américaine et qui ne rêvait que de science, de découvertes et de paix ! Qu’il était loin de ce portrait infâme de lâche goûlu, aboulique, apathique et quasiment obèse qu’on nous en avait si longtemps dressé !

Au moins aura-t-on pris la peine, ici, de s’inspirer des travaux d’un historien sérieux qui a pris le temps (pas moins de sept ans et près de mille pages) pour établir une biographie minutieuse du souverain tant décrié dans nos livres d’histoire et finalement martyr de la  Terreur.

Il nous aura fallu deux cents ans  pour convenir que Louis XVI et sa famille ne méritaient peut-être  pas leur sort. C’est bien long pour une Terreur qui ne dura, et heureusement,  que deux terribles années, et nous marqua du sceau indélébile de peuple révolutionnaire, libérateur mais aussi régicide. Il en a fallu moins de vingt aux Russes,  écrasés pendant soixante dix ans sous le joug soviétique et totalitaire,  pour réhabiliter leur famille impériale  si proche, dans le fond et la forme, de ce que fut notre famille Capet.

On ne parvient jamais très longtemps à « faire du passé table rase ». Il forge nos identités,  autant que nos différences et toutes nos contradictions.

Iran: 30 ans de voile islamique pour…. des pintades ?

C’était il y a quelques mois ; je cherchais des informations sur le mode de vie actuel des femmes iraniennes, évoqué par J.C. Guillebaud dans son dernier ouvrage (voir mon billet ), mes connaissances en la matière étant réduites à ma fréquentation très lointaine des Langues O.  Google m’a donc envoyée sans détours sur le site des Pintades en Iran, puis sur celui de son auteur, Delphine Minoui.

Harem, XVIIIème siècle
Harem, XVIIIème siècle

Ce livre avait semblait-il, à sa sortie,  pas mal agité le bocal. Interpellée d’emblée par ce titre grotesque, mais découvrant du même coup que l’auteur en était une charmante jeune femme,  titulaire  depuis deux ou trois ans du prix Albert Londres, qu’elle était depuis depuis dix ans correspondante du Figaro à Téhéran, je lui adresse ma question : Pourquoi des pintades ? Contre toute attente, je reçois sa réponse, circonstanciée, chaleureuse, mais pour moi peu convaincante. Des dindes aux pintades, il y a plutôt réduction. Un bref échange s’ensuit et son offre de me faire parvenir son livre que je reçois effectivement dans les 48 heures de son éditeur.

L’aurais-je acheté, ce livre ? Probablement pas. Avec une autre titre et une autre couverture, sans doute. Je ne suis guère cliente des guides pratiques et des « noms d’oiseaux ».Mais enfin, puisque je l’ai eu entre les mains…

Difficile, pour une femme de ma génération (mais pour celles qui suivent aussi sans doute) d’imaginer vivre dans de telles conditions, la première étant la non-mixité qu’imposent à sa jeunesse un Etat religieux, la seconde de devoir y vivre cachée; mais si l’on y songe, ces conditions ne sont  cependant que le fruit d’une longue tradition, un temps (trop court) interrompu, celle du harem. A l’aune de notre culture occidentale, cela semble insensé. Tant de chemin parcouru, chez nous depuis les gynécées si chers aux Athéniens, même si, par ailleurs, nos octogénaires d’aujourd’hui se promenaient encore dans leur jeune temps, dûment gantées, coiffées et chapeautées….

Ceci étant, quand féminité rime à ce point avec frivolité, on en vient à se demander si…..la basse-cour n’est pas tout indiquée, car de  frivolité, il est beaucoup question dans cet opuscule : celle d’un monde féminin qui m’est pour ma part presque étranger, mais moins encore, sans aucun doute, que celui, si matérialiste qui nous est présenté ici : voilà bien le comble d’un Etat prétendûment religieux, où l’Esprit semble si largement dominé par la Matière.

On fête donc aujourd’hui les trente ans de cette révolution islamique préparée sans secret à Paris,  où Le Monde d’alors tirait chaque jour ou presque à boulets rouges sur un Shah de Perse trop inspiré sans doute par des valeurs jugées par trop occidentales et matérielles,  imposées de surcroît à ses opposants par une violente répression.

Les révolutions ont cet inconvénient de faire croire à l’arrivée d’un monde meilleur. Ce n’est qu’après coup (après les coups ?) que les yeux se désillent et regardent avec nostalgie le monde…. d’avant.

Ostensions limousines : un rappel septennal à l’unité

Les Ostensions limousines, ou présentations septennales des reliques des Saints limousins,  demeurent  encore pour beaucoup de Limousins eux-mêmes  un  sujet d’intérêt, de conférences sinon de débat.

photo A.Mitteau
Ostensions 2002, Aixe sur Vienne

Leur préparation fait l’objet, tous les sept ans et pendant plus d’un an, d’une mobilisation et d’une effervescence assez remarquables, qui en font, de mon point de vue,  leur principal intérêt.

Dans toutes les communes ostensionnaires,   des groupes se sont constitués, des commissions, des comités ;  les gens se sont rencontrés pour organiser les processions, chants, messes, représentations ; pour fabriquer les décorations mises en place au jour dit pour parer les rues, les façades de fleurs et d’oriflammes. Combien de kilomètres de papier, tissu et fil de fer transformés en roses,  en glycines, en fanions aux couleurs de chaque blason ? Combien d’heures, aux veillées, passées à les confectionner, par des mains de tous  âges ?  Combien de réunions, de recherches, de publications, de communications  ?

Quand les périodes électorales exacerbent les opinions et pointent leurs différences, les années ostensionnaires en lissent les aspérités et exaltent les ressemblances, la tradition, la continuité.

Par-delà toutes les obédiences, intérêts ou croyances, elles ont le pouvoir de rassembler. Ces occasions-là, il ne faut jamais les manquer.

« Qu’a-t-il fait », Jean Le Fèvre d’Ormesson, gentilhomme, philosophe, écrivain, esthète et catholique ?

Cette question, qu’il se pose tout au long de son dernier livre,  appelle pour moi une réponse franche et immédiate : il a écrit. Pour le plus grand plaisir de ses nombreux lecteurs. Sans doute s’est-il beaucoup raconté, mais se racontant, c’est toute l’Histoire qu’il leur conte. L’histoire générale, l’histoire des sciences, des lettres et des arts, l’histoire du monde et celle des hommes. Il leur fait rencontrer un « milieu » qui n’est pas forcément le leur, qui les fait quelque fois rêver, que certains jalousent, que d’autres carrément récusent. Mais la Révolution est déjà passée, ne leur en déplaise. Les gentilhommes d’aujourd’hui travaillent et,  s’il leur arrive de réussir, c’est aussi, quelquefois, parce qu’ils ont du talent.

M. d’Ormesson aura eu, comme il l’a encore, le talent d’aimer la vie, d’aimer dormir, d’aimer rêver, d’aimer aimer. Certes, il a eu l’opportunité de le faire ; mais il a eu, comme il l’a encore, le talent de faire partager le fruit de sa curiosité insatiable : une culture d’honnête homme qui imprègne chacun de ses livres sans jamais la moindre afféterie, car il a la simplicité des grands.

Ce qu’il a fait : témoigner d’un temps qui n’est déjà plus le nôtre, mais auquel il s’est adapté. Eveiller des curiosités, attiser des élans, ouvrir des regards et, peut-être, des consciences. Il a tant aimé Chateaubriand qu’il a su, aussi, le faire aimer à d’autres. J’en suis. Qui sait si, sans ses évocations passionnées, j’aurais jamais eu cette ardeur à me plonger, m’y délectant, dans les Mémoires d’Outre-tombe ?

Château de Saint-Fargeau
Château de Saint-Fargeau

Je passe chaque été  par Saint-Fargeau pour me rendre en Bourgogne, et chaque fois ressens cette même émotion : c’était là le Plaisir de Dieu, autant dire un temps qui n’est plus. Dieu, dont Jean d’O ne craint pas de parler, car il est catholique, tout imprégné de ces valeurs chrétiennes qu’il a si bien rappelées l’hiver dernier aux Chrétiens de France pour sauver ceux  qui souffrent en Irak.

Je déplore pourtant qu’il consente encore,  par obligation sans doute, à se « produire » sur certains plateaux-télés où la laideur de l’environnement le dispute le plus souvent à la vulgarité tonitruante de l’animateur : que va-t-il faire dans ces galères ?