Vivre simplement, c’est à quoi nous invitent les rédacteurs du dernier numéro de Croire aujourd’hui. Sans doute est-ce bien légitime, puisque nous entrons bientôt en Carême, temps de retraite intérieure et collective pour les chrétiens qui préparent dans la pénitence, la prière et l’aumône la Résurrection de Pâques. Pour autant, je suis étonnée de cette invite, tant il me semble naturel, pour un chrétien comme pour la plupart des croyants, de vivre simplement, c’est-à-dire en deçà de tout ce que notre société nous impose, quasiment, de consommer à outrance ou sans réelle nécessité.
Sans doute sommes-nous confrontés, à certains âges de la vie, à toutes formes de compétitions : pour les adolescents, objets d’un vaste marché, elle est plus rude encore que pour les adultes formés et libérés en partie – mais en partie seulement, de cette contingence que représentent pour les premiers leur identité à trouver et pour les seconds leur place à marquer. Les uns et les autres sont, à longueur de temps, matraqués par les courants de mode, les nouveautés, les gadgets et autres produits qu’il faut posséder pour être soi-disant « reconnu » ou « admis » dans tel ou tel groupe, ou se maintenir dans telle coterie. Ces vanités auxquelles peu échappent dans la première partie de leur vie deviennent plus facilement caduques avec l’âge, mais surtout hors des villes où se concentrent ce genre de défis.
Sans doute les croyants ne sont-ils pas plus épargnés que les autres de toutes ces sollicitations, mais j’observe néanmoins que la spiritualité qui les guide les protège souvent des abus d’une consommation immodérée d’objets et de services nouveaux soumis en tous lieux à leur attention.
Il est de bon ton aujourd’hui de prôner ce qui est durable, d’en appeler à l’économie de ce qu’on a des années durant assez largement gaspillé, comme nos énergies, mais il ne faudrait tout de même pas sombrer dans un autre excès, car il s’agit bien là de nouveaux marchés soumis comme les autres aux contraintes , aux enjeux et au public qu’ils visent, le plus large possible.( Se ruiner dans une construction bio-écologique ou se passer d’un sèche-linge fort utile avec des enfants est de ce point de vue signifiant).
Vivre simplement, ne serait-ce pas, d’abord, vivre selon ses moyens, au plus près de sa nécessité, en accord avec son environnement naturel et prioritairement humain ? En ce temps où notre monde est ouvert à toutes les formes de communications et de solidarités, ne serait-ce pas avec son propre voisin qu’il s’agirait d’abord d’échanger, avant d’aller parfois très loin proposer une aide qui serait bienvenue déjà tout près de chez soi ?